La mise aux normes.

Entre outil  et instrument

 

Du coup les outils, terme générique, détournés de leurs fonctions intrinsèques, prennent une autre fonction. Du fait d’une difficulté à ajuster individuellement, les productions morbides sont couvertes de silence. Mais un silence connus de tous y compris de la source. Les stratégies d’ajustement individuelles servent à mettre à distance les symptômes générateurs d’anxiété en excluant toutes disputes professionnelles pour se protéger collectivement d’un conflit alimenté par une absence de ressources, dont la grande majorité des animateurs se plaignent. Ce dysfonctionnement n’est pas nouveau la littérature pédagogique à destination des animateurs est quasi inexistante. » (Lefebvre, 2000).

Cependant, les symptômes mis sous silence ne sont pas pour autant éliminés, ils ressurgissent sous forme déguisée dans l’utilisation conditionnée des outils qui servent de protection en activant des formes prototypiques de scénarios pédagogiques. Conditionnement qui permet de maintenir le conflit à un niveau acceptable pour tenir face au réel. Ces outils qui devaient pédagogiquement sensibiliser les stagiaires aux problématiques d’insécurité routière deviennent les outils d’une parade défensive qui se déploient sous la forme de scripts verbaux[1].

Scripts dont l’utilisation ressemble à un défilé de prêt à penser, qui dans la répétition deviennent de véritables produits psychiques manufacturés rendant la pensée mécanique. Une mécanique qui permet les réponses sans écoute, voir qui détermine ou dirige les questions. Les outils dits « G2 » ne sont en fait qu’un travestissement de réponses standardisées reconfigurées sous la forme d’un questionnement à travers des exercices de magie où l’illusion contribue au spectacle.

Dans cette perspective le travail de l’animateur devient quasiment la projection mécanique de son activité à l’intérieure de laquelle le travail ne trouve plus sa place. Ces Scripts empêchent le pouvoir d’être affecté, parce que l’activité devient intransformable et pour le dire avec Y. Clot mettent le sujet à disposition de son activité. (2008).

Les scripts agissent comme une prescription qui permettent sans doute de se libérer d’une charge, celle de la création, mais en même temps de se mettre au service de cette charge imposée par l’assujettissement aux contraintes. Ces scripts qui sont par définition déjà écrits ne peuvent s’adapter aux contextes fluctuants dans un réel plein d’inattendu et rejoignent ainsi la prescription.

Du coup l’outil subit un changement d’affectation, sans passer par le tamis du collectif il devient l’instrument par lequel le professionnel se protège des stagiaires et des collègues avec qui non seulement il ne partage pas le travail mais avec qui le partage n’est pas d’actualité. C’est d’ailleurs un des enjeux politique dans l’utilisation de binômes chaque fois reconstitués, et la division institutionnelle G1 vs G2. Ce non partage du travail se donne à voir dans l’utilisation conditionnée des outils qui transforme toutes réponses potentielles en scripts verbaux détournant la fonction pédagogique de l’outil. Fonction qui devrait favoriser la parole authentique, spontanée et subjective des stagiaires. Une absence de partage qui se déploie dans les animations alternées. 

Cependant, l’utilisation des scripts verbaux résonne dans l’exercice périlleux de ce qui dans le jargon est appelé « la co-animation ». Terme qui pourrait faire penser que ce jargon est maitrisé alors que les travaux de recherche sont en ce domaine encore très peu nombreux (Le Breton, 2007). Exercice où il est très difficile d’initier une réflexion sans que l’autre en décline le script. Du coup la co-animation ne peut pas être.

L’outil est devenu l‘instrument de défense du professionnel et le terreau des réponses préconfigurées étouffant toute co-animation, c’est à dire une animation dans l’ici et maintenant où l’un pourrait commencer et l’autre finir. Alors que la co-animation est réduite à la plus simple expression de gentils organisateurs par l’institution scientifique ( INSERR) dont les savantes études aboutissent par exemple à ce type de recherche : « Un des animateurs explique le déroulement de la séquence pendant que l’autre animateur étale sur la table prévue à cet effet l’ensemble des photographies. » (nouveaux modules Partie I, 2006).

L’outil est en fait un véritable instrument de contrôle des animateurs et entre les animateurs, un instrument au service de la mise en conformité des animateurs. Il empêche tout ajustement mais justifie coordination et labellisation. Dès lors on peut comprendre le besoin de rédaction d’un « guide des animateurs », ou autre tentative de mise aux normes.

 

A suivre…..

 

[1] Pour aller plus loin le concept de scripts a été développé par Schank (1975) Schank & Abelson (1977), Abelson (1981).

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